Introduction aux Lettres de saint Paul
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Explications verset par verset sur JesusMarie.com
(Vidal, Saint Paul, sa vie et ses œuvres, Paris, 1863 ; A. Trognon, Vie de saint Paul, Paris, 1869 ; C. Fouard, Saint Paul, 2 vol., Paris)
1° L'apôtre saint Paul. — Il est utile d’esquisser d’abord rapidement la biographie de celui dont nous allons étudier assez longuement les écrits. Sur son double nom de Saul et de Paul, dont le premier (Šã´ul) était hébreu, tandis que le second (Paulus) était romain, voyez notre commentaire des Actes des apôtres, 7, 58 et 13, 9. L’apôtre lui-même nous fournit quelques renseignements sur son origine et sur sa famille. Il était né à Tarse (probablement vers l'an 3 de notre ère. Cette date, et celles que nous indiquerons plus bas, ne sont pas absolument certaines ; ce sont celles qui nous paraissent les mieux garanties. Sa famille appartenait à la tribu de Benjamin (Philippiens 3, 5), et jouissait du droit de cité (on ne saurait dire exactement à quel titre elle possédait ce privilège, qui rendit à Paul de très grands services durant sa vie d'apôtre, cf. Actes des Apôtres 16, 37 et ss.; 22, 25-28; 23, 27 ; 25, 10 et ss.). L’un de ses membres avait pu l'acheter ou, ce qui est peut-être plus probable, l'obtenir à titre de récompense). Sous le rapport religieux, elle suivait strictement les doctrines et les observances pharisaïques (cf. Actes des Apôtres 23, 6).
Après sa première éducation à Tarse (c'est peut-être alors que le futur apôtre fit connaissance avec la littérature grecque, dont on trouve des réminiscences dans ses paroles et ses écrits, cf. Actes des Apôtres 17, 28 ; 1 Corinthiens 15, 33 ; Tite 1, 12; voyez les commentaires. Il y apprit aussi son métier de fabricant de tentes, qui lui permit de gagner honorablement sa vie durant ses missions évangéliques, cf. Actes des Apôtres 18, 3; 20, 34 ; 1 Corinthiens 4, 12 ; 1 Thessaloniciens 2, 9 ; 2 Thessaloniciens 3, 7 et ss., etc), Saul vint, jeune encore, à Jérusalem (Actes des Apôtres 26, 4), pour y faire ses études rabbiniques, et il eut la grâce d'avoir pour maître l'illustre Gamaliel (Actes des Apôtres 22, 3; voyez les notes). C’est là qu’il puisa en partie sa science remarquable des saintes Écritures et sa méthode dialectique pleine de vigueur. En même temps, il s'attachait lui-même de plus en plus aux principes pharisaïques, qu’il avait en quelque sorte sucés avec le lait (voyez Actes des Apôtres 22, 3b ; 26, 5 ; Galates 1, 14 ; Philippiens 3, 5). Tout porte à croire qu’il ne demeura alors que quelques années dans la ville sainte, de sorte qu’il n’eut pas l'occasion de voir et de connaître personnellement Notre-Seigneur Jésus-Christ. Lorsque nous le retrouvons à Jérusalem, il est au premier rang parmi les persécuteurs de l’Église naissante (cf. Actes des Apôtres 7, 58, 60 ; 8, 3 ; 9, 1-2 ; 22, 4 ; 26, 9-11 ; 1 Corinthiens 15, 9 ; Galates 1, 13 ; Philippiens 3, 6a ; 1 Timothée 1, 3a).
Sa conversion merveilleuse sur la route de Damas, l’un des plus grands miracles de l'histoire du christianisme, est racontée jusqu’à trois reprises dans les Actes des Apôtres (Actes des Apôtres 9, 3-19 ; 22, 6-16 ; 26, 12-18. Comp. 1 Corinthiens 9, 1 et 15, 8-9 ; Galates 1, 13-16 ; 1 Timothée 1, 13). Elle eut lieu, d'après l'opinion que nous croyons la plus vraisemblable, vers l’an 34 ou 35 de l'ère chrétienne. Paul avait alors environ trente ans.
En rapprochant l’un de l'autre les passages Galates 1, 17 et Actes des Apôtres 9, 19b-25, nous apprenons que le nouveau converti, après un séjour de courte durée à Damas, alla passer trois années en Arabie, dans la retraite la plus profonde. Rentré ensuite dans la capitale de la Syrie, il y prêcha la foi chrétienne avec tant de zèle et de succès, que les Juifs, furieux, tentèrent de le tuer. C'est alors qu’il revint à Jérusalem, où, présenté aux apôtres par Barnabé, il put se mêler fraternellement aux chrétiens et recommencer sa prédication. Mais, là encore, ses anciens coreligionnaires lui tendirent des embûches, auxquelles il échappa en se réfugiant à Tarse (Actes des Apôtres 9, 26-30). C'est dans cette ville que saint Barnabé alla le chercher, probablement après l’an 40, pour faire de lui son auxiliaire dans l'Église d’Antioche, nouvellement fondée, et qui, grâce à son concours zélé, prit des développements admirables (Actes des Apôtres 11, 22-26).
Ses trois grands voyages apostoliques sont racontés en détail au livre des Actes. Le premier (Actes des Apôtres 13, 1-14, 27) paraît avoir eu lieu entre les années 46-49 ; il fut suivi, vers l’an 51, du concile de Jérusalem, auquel l’apôtre des païens prit une large part (voyez Actes des Apôtres 15, 1-35 ; Galates 2, 1-10). Le second (Actes des Apôtres 15, 36-18, 22) eut lieu entre les années 51 et 54 ; le troisième (Actes des Apôtres 18, 23-21, 16), de l’an 55 à l’an 59.
Les Actes des apôtres exposent aussi d’une manière assez complète les incidents qui occasionnèrent l’arrestation de saint Paul à Jérusalem, son emprisonnement à Césarée durant deux ans (59-61), son appel à César, son naufrage, et son arrivée à Rome en 62 (Actes des Apôtres 21, 17- 28, 29). Puis le narrateur s’arrête brusquement, et se contente de signaler la durée de la première captivité romaine de l'apôtre (Actes des Apôtres 28, 30-31).
Saint Luc ne nous a conservé aucun détail sur les trois dernières années de saint Paul (64-67 après J.-C.). Heureusement, les lettres pastorales de l’apôtre et la tradition nous permettent d‘en fixer, au moins d’une manière générale, les principaux événements. Mis en liberté au début de l’an 64 après avoir plaidé victorieusement sa cause devant Néron, il se rendit très probablement alors en Espagne (Saint Clément pape, 1 Corinthiens 5, saint Epiphane, Haer., 27, 6, saint Jean Chrys., in 2 Timothée Hom., 10, 3, Théodoret, in 2 Timothée, 4, 17, saint Jérôme, in Isaïe, 2, 10, et d'autres anciens écrivains ecclésiastiques le disent en termes formels). Il paraît avoir ensuite évangélisé l’île de Crète, où il laissa son disciple Tite pour continuer son œuvre (cf. Tite 1, 5). De là, il alla visiter les Églises de l’Asie proconsulaire et celles de Macédoine (voyez 1 Timothée 1, 3) ; puis il revint de nouveau, ce semble, en Asie (Cf. 1 Timothée 3, 14). La lettre à Tite nous le montre aussi, vers la même époque, à Nicopolis, en Epire (Tite 3, 12). Plus tard il partit pour Rome, où il eut à subir un second emprisonnement (l'école dite critique nie assez généralement l'existence de cette seconde captivité romaine de saint Paul ; mais elle a contre elle divers témoignages très exprès de la tradition, voyez Eusèbe, Histoire Ecclésiastique, 2, 22; saint Jérôme, de Vir. illustr., 5 et 12, etc.), durant lequel il écrivit sa dernière lettre, la deuxième à Timothée. Condamné à mort avec saint Pierre, il termina glorieusement sa vie par le martyre, en 67.
2° Le caractère de saint Paul a été souvent décrit en termes éloquents par d’habiles panégyristes. Ceux qui jugent l'apôtre des païens de la même manière qu’ils jugeraient tout autre homme remarquable, confessent unanimement qu’il a été l’un des plus grands esprits de tous les temps. Ceux qui croient à sa mission divine et à son inspiration par l’Esprit-Saint sont émerveillés et comme stupéfaits quand ils examinent, d’une part, les dons qu’il reçut d’en Haut en vue de l’œuvre à laquelle il était destiné, d’autre part, le dévouement courageux avec lequel il se consacra à cette œuvre. Mais on peut préciser davantage. « Aussi humble que le pénitent le plus sévère, et pourtant joyeux jusqu’à pousser des cris d'allégresse ; ferme dans ses convictions, et en même temps sage, réservé sur ce point comme l’homme du monde le plus prudent ; extatique consommé, et nonobstant actif et pratique ; fort comme un héros, et délicat comme une vierge ; embrassant de son œil d’aigle l’univers tout entier, et cependant attentif au plus petit détail ; impérieux, et au service de tous ; théologien sublime, et modeste fabricant de tentes ; Juif rempli d’amour pour son peuple, et cependant l’ennemi le plus terrible du pharisaïsme ; le plus détesté et le plus populaire d’entre les apôtres :... il a mené la vie grandiose d'un héros que le monde n’était pas capable de dominer et de dompter, mais que le Christ a pu soumettre, par un coup de foudre, à sa divine révélation » (J. P. Lange, auteur protestant). C’est parce que saint Paul était un vrai génie, qu’il a pu réunir ainsi dans sa personne les pôles les plus divers.
3° Les lettres de saint Paul et leur groupement. Il est moralement certain que plusieurs ont été perdues de bonne heure : à savoir, une première lettre aux Corinthiens, ainsi qu’il résulte d'un rapprochement établi entre 1 Corinthiens 5, 9 et 2 Corinthiens 10, 9 ; une première lettre aux Philippiens, d'après Philippiens 3, 1 ; enfin, une lettre aux chrétiens de Laodicée, d'après Colossiens 4, 16. Sur les écrits apocryphes de saint Paul, voyez le Manuel Biblique de Vigouroux, t. 1. Celles qui nous ont été conservées sont au nombre de quatorze, comme l'enseigne la tradition, confirmée par les Conciles, en particulier ceux de Trente, et de Vatican I. Ce sont : celle aux Romains, la première et la seconde aux Corinthiens, celles aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, la première et la seconde aux Thessaloniciens, la première et la seconde à Timothée, celles à Tite, à Philémon et aux Hébreux. Tel est leur ordre canonique dans l'Église latine depuis saint Augustin. Sans s’inquiéter de la chronologie, on a placé au premier rang les lettres adressées à des Églises, au second rang les lettres destinées à de simples particuliers. Puis, de part et d’autre, on a eu égard d’une manière générale soit à la dignité des Églises et des personnes, soit à l'importance des questions traitées ou à la longueur des lettres. On a fait cependant une exception pour la lettre aux Hébreux, placée à la fin de la collection parce que son authenticité fut tout d’abord l’objet de quelques hésitations.
D’après l’ordre chronologique qui nous paraît le plus vraisemblable, les lettres de saint Paul forment trois groupes très distincts, dont le premier comprend deux lettres ; le second, quatre ; le troisième, huit. Au premier groupe appartiennent les lettres aux Thessaloniciens, composées vers l’an 52 ; au second, les lettres aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates, écrites entre les années 56 et 58 ; au troisième, les lettres aux Philippiens, aux Éphésiens, aux Colossiens, à Philémon, aux Hébreux, à Timothée et à Tite, composées de 62 à 66 ou 67. Nous essayerons de fixer d’une manière plus précise la date de la composition de chaque lettre dans les Introductions particulières. Problème assez difficile d'ailleurs, sur lequel les meilleurs exégètes anciens et modernes sont loin d'être d'accord.
Au point de vue du sujet traité, quelques-unes des lettres de saint Paul sont plus spécialement doctrinales, par exemple, les lettres aux Romains, aux Galates, aux Colossiens, aux Hébreux ; d'autres, plus spécialement morales (1 et 2 Corinthiens, Philippiens, 1 et 2 Thessaloniciens, etc. Mais il faut remarquer que l'élément moral est représenté plus ou moins dans toutes les lettres de l'apôtre). Parmi ces dernières, on fait une catégorie à part des intéressantes lettres qu’on a nommées pastorales (1 et 2 Timothée, Tite), parce que saint Paul y trace plus longuement qu'ailleurs les devoirs des pasteurs des âmes.
4° Leur authenticité. — Comme pour les Évangiles, nous ne traiterons ici cette question que d’une manière générale et rapide. Voyez les Introductions au N. T. de Valrogern ; le Manuel biblique, t. 1, nn. 41-43 , etc. Pour les lettres dont l'authenticité a été le plus attaquée au XIXème siècle, nous répondrons brièvement, dans nos petites Introductions particulières, aux principales objections des critiques.
Il y a d’abord les preuves extrinsèques. Déjà saint Pierre connaissait les écrits de son illustre collègue dans l’apostolat (cf. 2 Pierre 3, 16), quoiqu’on ne puisse pas dire de combien de lettres se composait la collection que le prince des apôtres avait entre les mains. Les Pères apostoliques, successeurs immédiats et souvent disciples des apôtres, citent et utilisent dans leurs écrits, relativement si peu nombreux, toutes les lettres de saint Paul, à part celle à Philémon. On a relevé, de ce chef, un fait vraiment remarquable : dans la lettre fort courte de saint Polycarpe aux Philippiens, vers le milieu du second siècle, on lit treize textes empruntés littéralement à huit des lettres de saint Paul (Romains, 1 Corinthiens, Galates, Éphésiens, Philippiens, 2 Thessaloniciens, 1 et 2 Timothée) ; elle contient en outre des allusions assez fréquentes à d’autres passages de ces mêmes lettres et à quatre autres lettres (2 Corinthiens, Colossiens, 1 Thessaloniciens, Hebreux), de sorte qu’il n’y en a que deux (Philémon et Tite) qui ne soient pas représentées dans ce petit écrit. Voyez aussi saint Clément pape, 1 Corinthiens, 47 ; saint Ignace, ad Philad., 5, et ad Ephes., 12, etc.
Un peu plus tard, les témoignages deviennent plus nombreux, plus précis, plus officiels en quelque sorte. Le Canon de Muratori (fin du second siècle) cite nommément toutes les lettres pauliniennes, à part celle aux Hébreux. Vers le même temps, Tertullien les citait toutes aussi (De Præscript., 37 ; c. Marcion, 4, 5 ). La Peschito syriaque, qui les contient sans une seule exception, nous apprend que la collection entière était reçue, à la même date, par l'Église de Syrie. Origène (In Jesu Nave, hom. 8, 1: « En arrivant, notre Seigneur Jésus Christ... envoie ses apôtres prêtres, portant des trompettes dont ils pouvaient jouer, la doctrine magnifique et céleste de la prédication....(Paul) lançant la foudre par les trompettes de ses quatorze lettres, a jeté à bas et complètement éradiqué toutes les machines de guerre de l'idolâtrie et les dogmes des philosophes.» et Clément d’Alexandrie les mentionnent également toutes comme canoniques. Il en est de même de saint Cyrille de Jérusalem (Catech., 10, 18), de Théodoret, et de tous les écrivains ecclésiastiques subséquents. Mais le témoignage d’Eusèbe a une valeur particulière à cause des recherches multiples, savantes et judicieuses que fit cet historien célèbre, en vue de connaître le sentiment des auteurs les plus anciens sur l’authenticité des saints Livres. « Les quatorze lettres de Paul sont connues manifestement de tous, » dit-il en termes formels (Histoire Ecclésiastique, 3, 3, 25 ). Il ne manque pas de signaler, avec son exactitude et sa franchise habituelles, qu’il existait des doutes dans l’Église d’Occident au sujet de la lettre aux Hébreux ; mais il ajoute aussitôt que, malgré cela, elle doit être rangée, elle aussi, parmi les ὁμολογούμενα, c'est-à-dire, parmi les écrits généralement regardés comme faisant partie des saintes Écritures.
C’est donc un fait clairement attesté, qu'à partir du second siècle on admettait, dans toutes les Églises chrétiennes, que saint Paul était l’auteur des quatorze lettres qui portent encore aujourd’hui son nom. Les hérétiques eux-mêmes reconnaissaient l'authenticité de la plupart d'entre elles. « Quand Marcion se rendit du Pont à Rome, en 142, il portait avec lui une collection des lettres de saint Paul, qui les contenait toutes, excepté celles à Timothée, à Tite et aux Hébreux, dont il niait l'authenticité, ainsi que Basilide, comme nous l'apprend saint Jérôme, in lettre ad Tite, Prolog. » Manuel Biblique, t. 1, n. 41, 2a. Ce travail de mutilation entrait dans le système des hérétiques, qui éliminaient du Nouveau Testament tout ce qui était opposé à leurs doctrines.
Passons maintenant aux preuves intrinsèques. Bossuet les résume fort bien en ces termes (Hist. Univ., 2, 28) : « Les lettres de saint Paul sont si vives, si originales, si fort du temps, des affaires et des mouvements qui étaient alors, et enfin d’un caractère si marqué, qu’elles suffiraient pour convaincre les esprits bien faits, que tout y est authentique et sincère. » Comme le dit un autre exégète, les écrits en question « ne sont pas des dissertations générales, sans patrie et sans but particulier. Ils ont été provoqués par des occasions spéciales, composés pour des circonstances et des lecteurs déterminés, conformément aux besoins de ces lecteurs ». Tout cela permet donc un contrôle. Ce contrôle a été fait, et l'harmonie remarquable qui existe entre de nombreux détails des lettres de saint Paul et les récits des Actes des apôtres démontrent de la manière la plus frappante l’authenticité des lettres les plus anciennes. Les lettres « abondent en détails biographiques, en épanchements intimes, qui, s’ils ne sortaient pas de la plume de Paul, seraient dus à la tromperie la plus raffinée ». Tromperie impossible d’ailleurs, car l’apôtre des païens est un écrivain d’une « inimitable originalité ». Ces documents « ont certains caractères profondément marqués, qui les distinguent de tous les autres produits littéraires ».
Il était réservé au XIXème siècle de voir nier l'authenticité d’écrits si parfaitement garantis. On ne rejeta d’abord que les trois lettres pastorales. Mais l’école de Tubinguen alla beaucoup plus loin, et n’admit comme authentiques que les lettres aux Romains, aux Corinthiens et aux Galates. Puis, des critiques plus violents encore ont rejeté les quatorze lettres sans exception ; mais ils sont en petit nombre et sont regardés, même dans le camp rationaliste, comme des hommes exagérés. Cependant « l’école» répudie assez communément, avec les lettres pastorales, celles aux Éphésiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens et aux Hébreux.
5° La langue dans laquelle furent écrites les lettres de saint Paul fut certainement le grec. Il n’existe pas aujourd’hui le moindre doute sur ce point, même en ce qui concerne les lettres aux Romains et aux Hébreux. Durant le premier et le second siècle de notre ère, le grec était parlé et compris dans tout l'empire romain, même en Palestine. Voyez le Manuel Biblique, t. 4, n. 570, 2. Il ne s’agit cependant pas ici du grec classique, mais de l’idiome dit « hellénistique », qui était alors populaire à peu près en tous lieux pour les Juifs dispersés à travers l’empire romain, et que la lecture des Septante avait coloré d’hébraïsmes et d'expressions spéciales.
Quoique loin d’être toujours châtié et d’une correction parfaite (voyez saint Jérôme, in Gal., 6,1 ; in Ephes., 3, 1 ; ad Algas. lettre 121, 10. Le savant docteur lui reproche des barbarismes ; on y trouve aussi mainte incorrection et irrégularité, des hébraïsmes, des phrases inachevées, de longues périodes un peu compliquées et chargées de parenthèses, etc. Comp. Origène, in Rom. Præfat. ; saint Épiphane, Hær., 64, 29, etc. ; le Manuel Biblique, t. 4, n. 584), le grec de saint Paul l'emporte, après celui de saint Luc, sur celui de tous les autres écrivains du Nouveau Testament. L’emploi d’un vocabulaire considérable et particulièrement des verbes composés, des participes et des particules, les fréquentes paronomases [procédé consistant à utiliser des mots qui présentent avec un autre mot une certaine analogie phonétique, mais sans avoir le même sens de façon rapprochée], la construction ordinairement très hellénique des phrases, prouvent que l’apôtre possédait bien la langue grecque, et que, s’il avait voulu soigner son langage, il aurait été facilement irréprochable sous ce rapport.
Le nombre des expressions propres à saint Paul dans ses lettres, en laissant celle aux Hébreux hors de compte, a été supputé comme il suit : « 96 dans la lettre aux Romains, 91 dans la première aux Corinthiens, 92 dans la seconde, 32 dans la lettre aux Galates, 38 dans celle aux Éphésiens, 34 dans celle aux Colossiens, 36 dans celle aux Philippiens, 18 dans la première aux Thessaloniciens 7 dans la seconde, 73 dans la première lettre à Timothée et 44 dans la seconde, 31 dans la lettre à Tite, 4 dans celle à Philémon. En tout, près de 600 expressions employées par saint Paul seul dans le Nouveau Testament, plus de la dixième partie des 4700 mots environ qui constituent le vocabulaire du Nouveau Testament. »
Un des auteurs rationalistes montre ainsi son parti pris de tout dénigrer : « Il n'est pas croyable qu'un homme qui eût pris des leçons même élémentaires de grammaire et de rhétorique eût écrit cette langue bizarre, incorrecte, si peu hellénique par le tour, qui est celle des lettres de saint Paul. » D'autres partisans de l'école négative, plus honnêtes et plus sérieux, ont vanté « la souplesse incomparable de l'apôtre à manier les expressions grecques », et « le coloris grec » qui s'y manifeste partout.
Mais, écrivant parmi de nombreux travaux et de graves préoccupations, Saint Paul n’avait guère le temps, non plus que le désir, de s’appliquer à le faire élégamment. Il s’accuse lui-même, 2 Corinthiens 11, 6, d’être peu habile dans son expression (ἰδιώτης τῷ λόγῳ). D'ailleurs, il dicta la plupart de ses lettres (Cf. Romains 16, 22 ; 1 Corinthiens 16, 21 ; Colossiens 4, 18 ; 2 Thessaloniciens 3, 17, etc. ), et tandis que son secrétaire écrivait quelques mots, d’autres pensées affluaient à son esprit et donnaient un nouveau tour à la phrase commencée.
6° Quant au style proprement dit de saint Paul, on en a parfois trop contesté, dans les temps anciens comme au XIXème siècle, l’art et le mérite : Notamment Bossuet, dans un passage célèbre de son panégyrique du grand apôtre ; mais, le plus souvent, on sait lui rendre pleine et entière justice. « Chacun connaît cette manière d’écrire tant de fois caractérisée, tantôt saccadée et brisée, tantôt soutenue, éloquente même jusqu'au pathétique ; ici émue et passionnée, là froidement dialectique; parfois enjouée jusqu’au jeu de mots, quelquefois ironique jusqu’au sarcasme, toujours et sous toutes ces formes l'expression vraie, adéquate, de cette riche et puissante personnalité. »
Parmi les principales qualités du style de saint Paul, il faut signaler :
son énergie extraordinaire, qui agit puissamment et constamment sur le lecteur ; le mot de saint Jérôme, ad Pammach. Ep. 48, 13, est bien connu : « toutes les fois que je lis l'apôtre Paul, il ne me semble pas entendre des paroles, mais du tonnerre. » ; sa vie, sa fraîcheur et son entrain perpétuels, qui correspondent à l'âme ardente de l'écrivain, mais qui s’expliquent davantage encore par son zèle d’apôtre ; le païen Longin a été des premiers à les vanter. Comp. saint Augustin, de Doctr. Christ., 4, 7. Le fréquent recours à l'antithèse (cf. 2 Corinthiens 6, 8-10, etc.), aux métaphores saisissantes (cf. 2 Corinthiens 11, 20 ; Galates 5, 15, etc.), aux images brèves et concrètes (cf. 1 Corinthiens 13, 1 et 2, etc.), aux interrogations qui prennent brusquement le lecteur à partie (cf. Romains 2, 21-26 ; Galates 4, 19, etc.), ne contribue pas peu à cette vie et à cette chaleur. On sent partout l'orateur habile, qui ne néglige aucun moyen pour arriver à son but ; la « plénitude inépuisable », la richesse étonnante des idées qu’il exprime. Il est vrai que parfois saint Paul, précisément à cause de cette richesse, et aussi parce qu’il lui fallait employer des mots anciens pour exprimer des idées nouvelles, tombe dans une certaine obscurité, que lui reprochait déjà délicatement S. Pierre. Cf. 2 Pierre, 3, 16 ; avec cela, une remarquable variété de sentiments. « L'apôtre sait affirmer avec vigueur, menacer, parler doucement et aimablement. A la fermeté il unit la bonté, au blâme la louange, à la parole consolante l'avertissement grave. » Son style se fait tout à tous, comme son cœur. L’effet produit est d’autant plus grand, qu’on ne sent nulle part la recherche, ainsi qu’il arrive trop souvent dans les écrits de la plupart des hommes.
7° La forme extérieure des lettres de Paul est assez conforme à celle qui était alors usitée pour les lettres ordinaires. On y distingue presque toujours trois parties. La première est la salutation, d’ordinaire assez brève, mais qui quelquefois devient solennelle et prend des proportions plus considérables (cf. Romains, 1-6 ; 1 Corinthiens 1, 1-3 ; 2 Corinthiens 1, 1-2 ; Galates 1, 1-5 ; Philippiens 1, 1-2. etc.). Elle n’est omise que dans la lettre aux Hébreux. Parfois l'apôtre s’adjoint, pour saluer ceux auxquels il écrit, quelqu’un de ses collaborateurs connu d’eux (cf. 1 Corinthiens 1, 1 (Sosthène) ; 2 Corinthiens 1, 1 ; Philippiens 1, 1 ; Colossiens 1, 1 (Timothée) ; 1 Thessaloniciens 1, 1 et 2 Thessaloniciens 1, 1 (Timothée et Sylvain )). Au lieu de terminer cette salutation par la formule ordinaire, χαίρειν (à la lettre : se réjouir ; l’équivalent du salutem des Latins, voyez Actes des Apôtres 25, 23b et Jac. 1, 1), il la conclut par un souhait tout chrétien : χάρις ϰαὶ εἰρήνη (Vulg. : gratia et pax) dans toutes les lettres, à part les trois lettres pastorales, où on lit : χάρις, ἔλεος, εἰρήνη (Vulg.: gratia, misericordia, pax). Dans la lettre à Tite, un certain nombre de manuscrits suppriment ἔλεος. A la salutation est d’ordinaire rattachée une action de grâces, par laquelle l’apôtre remercie Dieu des faveurs particulières accordées aux destinataires de la lettre (Cf. Romains 1, 8 et ss. ; 1 Corinthiens 1, 4-9 ; 2 Corinthiens 1, 3 et ss., etc.). Dans la lettre aux Galates 1, 6-10, elle est remplacée par un blâme sévère. Elle manque tout à fait, de même que la salutation initiale, dans la lettre aux Hébreux. C’est en même temps un éloge délicat et affectueux, bien capable de concilier à Paul l'attention de ses lecteurs et de les rendre dociles à ses avis. Très souvent, dès cette première partie, on entend retentir la note dominante de la lettre.
Vient ensuite le corps de la lettre, qui forme évidemment la partie principale. Saint Paul y développe avec plus ou moins d’ampleur, suivant les circonstances, le thème qu’il se proposait de traiter. Il arrive assez fréquemment que cette partie se subdivise en deux sections, dont la première est dogmatique et théorique ; la seconde, morale et pratique.
La conclusion consiste habituellement en détails qui ont plutôt un caractère personnel (Cf. Romains 16, 1-23 ; 1 Corinthiens 16, 19-21; Philippiens 4, 21-22 ; 2 Timothée 4, 19-21, etc.), et en une affectueuse bénédiction (Cf. Romains 16, 24-27 ; 1 Corinthiens 16, 22-23 ; Galates 6, 18 ; Éphésiens 6, 23-24 ; 2 Timothée 4, 22, etc.).
8° L'importance des écrits de saint Paul est incontestable et incontestée. Depuis l'époque des Pères jusqu’à nous, les exégètes et les théologiens de tous les partis sont unanimes à la proclamer. Ils sont « une mine et une source inépuisables », dit saint Jean Chrysostome, le plus célèbre des admirateurs et des commentateurs de l’apôtre des païens (voyez ses traités de Verb. Apost., Hom. 3. 1 ; de Laud. Pauli, Hom. 4, etc.). Suivant saint Thomas d’Aquin (In Ep. ad Rom., Prolog.), ils contiennent « presque toute la doctrine de la théologie ». Nous y trouvons, d’après Cornelius a Lap. (Proœm. de praerogat. Pauli, 3), « la moelle de la loi et de la religion chrétiennes. » Si les lettres de saint Paul traitent admirablement du dogme et de la théologie mystique, elles ne savent pas moins bien proposer et discuter les questions pratiques, ou répondre aux difficultés de la vie quotidienne, qu’elles tranchent avec une hauteur de vues et une netteté remarquables.
Leur thème, on le voit, est donc des plus variés. Et cependant rien de plus unique en même temps que leur sujet, puisqu’en réalité il se ramène sans cesse à la personne sacrée et aux enseignements divins de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, rédempteur de tous les hommes. Tel est vraiment le centre perpétuel des écrits de Paul comme de sa prédication, le terme de ses pensées comme de ses œuvres. C'est pour cela surtout que ses lettres sont remplies de tant de beautés supérieures, et qu’elles font tant de bien à quiconque les étudie avec esprit de foi. Elles forment, après les saints Évangiles, le livre le plus précieux que possède l’Église.
9° Les commentateurs catholiques des lettres de saint Paul. — Nous ne noterons ici que ceux qui les ont toutes expliquées sans exception. Les commentaires relatifs aux lettres particulières seront indiqués dans les petites Introductions qui les précèdent.
Nous signalerons, dans les premiers siècles, saint Jean Chrysostome, Théodoret, Œcuménius, Théophylacte et Euthymius chez les Grecs ; Primasius chez les Latins (au 6ème siècle. Ses explications sont un excellent résumé de celles des exégètes antérieurs). Au moyen âge, Raban Maure, Hugues de Saint-Victor, Hugues de Saint-Cher, Nicolas de Lyre, saint Thomas d’Aquin. Dans les temps modernes, B. Justiniani (In omnes B. Pauli epistolas explanationes, Lyon, 1612), Estius (In omnes D. Pauli et septem catholicas Apostolorum epistolas commentarii, Douai, 1614 ; ouvrage souvent réédité ; naguère à Mayence, 1858-1860), Cornelius a Lapide (voyez l'édition de Paris, 1861, annotée par M. l'abbé Crampon), Bernardin de Picquigny (Triplex expositio epistolarum D. Pauli, Paris 1703 ; les plus récentes éditions sont celles de Paris, 1868 , et d'Inspruck, 1891), Dom Calmet (Commentaire littéral, etc., Paris, 1707 et suiv.). L’abbé Drach (lettres de saint Paul, Paris, 1874).
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